L’alimentation génomique personnalisée : mythe ou réalité?
L’alimentation génomique personnalisée : mythe ou réalité?

L’alimentation est un aspect fondamental de notre vie quotidienne, jouant un rôle crucial dans notre santé globale. Cependant, une approche unique en matière de nutrition ne convient pas à tout le monde. Les différences génétiques peuvent influencer la manière dont notre corps transporte et métabolise les nutriments. Comprendre ces variations génétiques, au travers de nos polymorphismes nucléotidiques uniques (SNP), peut ouvrir la voie à une alimentation plus personnalisée et adaptée à chacun.

L’individualité de la génétique

La plupart des gens connaissent les termes ADN ou gène. Ils font partie de la même organisation du matériel génétique. Pour rappel, la molécule d’ADN est constituée d’une hélice à double brin qui contient le code génétique. Les gènes (ex de gène : FABP-2 ou Fatty acid binding protein 2) sont des séquences déterminées à l’intérieur d’un brin d’ADN, qui codent pour une protéine unique. Et les nucléotides de l’ADN constituent les éléments de bases qui codent pour la protéine exprimée par un certain gène : adénine (A), thymine (T), guanine (G) et cytosine (C).

Un SNP peut être considéré comme une adresse. Il s’agit d’un emplacement physique dans un gêne. Concrètement, le SNP est une différence d’un seul nucléotide dans une séquence d’ADN. Par exemple, les séquences ADN de deux individus, AACATC et AACTTC auront pour seule différence le nucléotide en 4e position A ou T.

La terminologie pour définir un SNP se décompose ainsi :

  • Nom du gène, généralement en rapport avec les produits protéiques pour lesquels il est codé (ex : FABP-2)
  • Code de référence. Pour le gène FABP-2, il s’agit du code Ala54Tr, qui fait référence à la position du gène sur lequel se produit le SNP. Le codage normal se traduit par un résidu alanine (A) en position 54 de la protéine FABP-2, tandis que le codage variant se traduit par un résidu thréonine (T).
  • Numéro RS, qui est le numéro d’enregistrement du SNP. Pour le gène FABP-2, il s’agit de rs1799883.

Certains SNP se situent dans la région codante du gène et ont un effet sur le produit final de la protéine. Les recherches ont découvert qu’un petit nombre de SNP semblent d’ailleurs avoir un impact sur le métabolisme, l’immunité, l’inflammation, la fonction neuroendocrine et la détoxication.

Allèles génétiques

Lors de l’analyse des SNP d’un individu, il y aura une comparaison entre le codage individuel (nucléotide) de cette personne pour chaque SNP et un allèle/nucléotide de base ou standard). Cet allèle standard est souvent le nucléotide le plus fréquent dans la population humaine, mais pas systématiquement.

Maintenant prenons un peu de hauteur : chaque individu possède 2 copies de chaque gène; l’un venant de son père et l’autre de sa mère qui sont disposés sur chaque chromosome. Au sein de chaque copie de gêne se trouve donc le même emplacement physique d’une séquence d’ADN (SNP). On a donc 2 SNP, un dans chaque copie de gène et chromosome. Si un individu possède le même allèle génétique sur chaque chromosome, il est qualifié d’homozygote. Si les 2 copies de gènes ont des allèles différents, ils sont dits hétérozygotes. Il en est donc de même pour les SNP.

Enfin certains allèles génétiques sont dominants ou récessifs selon la façon dont ils influencent le fonctionnement de l’organisme. Les allèles dominants l’emportent sur les allèles récessifs pour exercer leurs effets. Ainsi, le trait ou fonctionnement codé par le gène sera présent chez ceux qui sont homozygotes pour le gène dominant, ou hétérozygotes (un dominant et un récessif). Seules les personnes homozygotes pour l’allèle récessif ne présenteront ou n’exprimeront pas le trait allélique récessif.

Pour exemple :

  • Le gêne FTO (Fat mass and obesity gene) avec son SNP associé rs9939609
    • Allèle normal: T (récessif)
    • Allèle variant: A (dominant)
    • Individu avec l’allèle TT (homozygote) n’ont aucun risque associé à ce gène.
    • Individu avec les allèles AA (homozygote) ou AT (hétérozygote) ont un plus grand risque d’augmentation de production de ghréline, l’hormone de la faim, avec une diminution de la suppression post-prandiale et une augmentation de la sensibilité hypothalamique de la ghréline. Mais aussi une sensibilité réduite à la leptine (résistance à la leptine). La leptine étant l’hormone de la satiété qui réduit la faim et les comportements liés à la recherche de nourriture. La résistance à la leptine entraîne une incapacité à mobiliser et utiliser les graisses mais est aussi associée aux fringales alimentaires.

Il est aussi nécessaire de rappeler l’importance de l’épigénétique (science qui étudie l’influence de l’environnement sur l’expression des gènes) dans l’expression ou non d’un gêne. Les modifications épigénétiques peuvent activer ou désactiver des gènes, influençant ainsi le développement, la croissance, la santé et la susceptibilité aux maladies. Autrement dit, l’environnement dans lequel nous vivons (eau, air, exposition prolongée a des substances nocives…) va provoquer des changements dans la manière dont l’ADN est régulé et exprimé. Et activer ou désactiver les risques associés à la séquence d’ADN qui est altéré par l’épigénétique.

 La génomique nutritionnelle

La génomique nutritionnelle est donc un domaine émergent qui explore la relation entre les gènes individuels et la réponse du corps et des comportements face aux aliments. La compréhension des SNP de chaque individu permet d’identifier les prédispositions individuelles quant à la métabolisation et l’absorption des glucides, protéines et lipides mais aussi l’augmentation de la prise de poids, ou encore la diminution de la satiété…

Nos préférences alimentaires peuvent également être influencées par nos gènes. Certains SNP peuvent jouer un rôle dans la perception des saveurs, ce qui pourrait expliquer pourquoi certaines personnes sont plus attirées par les aliments sucrés, salés ou amers. En comprenant ces préférences génétiques, il devient possible d’élaborer des plans alimentaires plus adaptés.

L’alimentation personnalisée en pratique

L’importance de l’épigénétique ici est intéressante car l’influence de l’environnement sur notre alimentation se démontre de plus en plus scientifiquement. L’exposition quotidienne aux pesticides dans les aliments mais aussi l’évolution de nos habitudes alimentaires vers une alimentation journalière en produits ultra-transformés (sucre, farine blanche, riz blanc, plats préparés) ne peut que laisser supposer que nous exposons notre corps, et donc nos gênes, a de multiples signaux récurrents qui vont pouvoir activer leurs risques associés. Certes nous n’avons pas tous les mêmes gênes, et une alimentation identique pour deux personnes n’engagera pas la même réactivité des mêmes gênes/SNP. Du fait de l’importance des allèles récessifs et dominants uniques à chaque individu.

Et grâce aux avancées dans la génomique nutritionnelle, en Amérique du Nord, il est désormais possible par des tests génétiques d’identifier les SNP liés à la nutrition. Ces informations permettent donc de personnaliser l’alimentation en fonction du potentiel d’activation des gênes de chaque individu. Des conseils sur les proportions idéales de macronutriments, les choix alimentaires spécifiques et les compléments nutritionnels potentiels peuvent être fournis en fonction des résultats génétiques. En comprenant comment notre génétique influence notre métabolisme et nos préférences alimentaires, il est désormais possible d’adopter une approche plus ciblée en matière de nutrition

Bien que la génomique nutritionnelle offre des perspectives excitantes, il est important de souligner que d’autres facteurs, tels que le mode de vie, l’activité physique, le sommeil, l’environnement peuvent également influencer la santé. Les résultats des tests génétiques ne doivent pas être interprétés de manière rigide, mais plutôt comme des informations supplémentaires pour guider les choix alimentaires.

Delphine KUBICA, N.D.

Sources et Inspirations

• Basic concepts of epigenetics: Impact of environmental signals on gene expression
Elizabeth A. Mazzio &Karam F.A. Soliman – 2011
https://doi.org/10.4161/epi.7.2.18764

• Basic Biological Concepts
https://fengyaning.medium.com/basic-biological-concepts-9ee0e22dc268

• SNP rs9939609: https://www.snpedia.com/index.php/Rs9939609

• SNP rs1799883: https://www.snpedia.com/index.php/Rs1799883

• Genetic Testing: Defining your path to a personalized health plan du Dr Christy L. Sutton Éditeur: Dallas Chiropractic & Kinesiology, PLLC (October 26, 2017)

• Fix your genes to fit your jeans du Dr Penny Kendall-Reed (BSc, ND) et du Dr Stephen Reed (BM, BCh, MA, MSc, FRCSC). Éditeur: Tellwell Talent (July 23, 2020)

• United States Dietary Trends Since 1800: Lack of Association Between Saturated Fatty Acid Consumption and Non-communicable Diseases. 2021
https://doi.org/10.3389/fnut.2021.748847

Vous serez peut-être intéressé par les articles suivants…

Naturopathie et Santé mentale

Naturopathie et Santé mentale

La santé mentale est une composante essentielle de notre bien-être global. Avec l’augmentation des troubles tels que l’anxiété, la dépression et le stress, de plus en plus de personnes se tournent vers des approches naturelles pour soutenir leurs émotions. Par son...

lire plus

Abonnez-vous

Faites le premier pas

Recevez une fois par mois, une infolettre avec toutes les nouveautés à ne pas manquer: nouveaux articles, promotions en cours, conseils gratuits et information en naturopathie.